Question de vocabulaire

Chouette la corne d’abondance, hier !
Y a des jours plus fastueux que d’autres
Moi, j’ai trouvé une chocolatiiiiiiine !
Non, on dit pain au chocolat !
Tu dis comme tu veux, ce qui est sûr, c’est que l’autre derrière, il en aura pas.

Monsieur Paul

C’est en lisant le savoureux texte de Louise Salmone

https://babyboomeure.com/2021/12/11/89-parfois-on-est-oblige-de-renier-la-famille/

que je me suis souvenue de celui-ci, un vieux truc qui trainait dans mes archives


C’était vraiment curieux que toute la famille soit réunie pour les obsèques de monsieur Paul.
Mais le notaire avait insisté: nous devions être là tous les six. Depuis la mort des parents, aucun de nous n’avait eu l’idée ou l’envie de revoir les autres. La fratrie s’était éparpillée, chacun avait fait sa vie de son côté comme si le passage à l’âge adulte avait effacé l’enfance passée ensemble. C’était comme ça chez nous, on laissait peu de place aux sentiments et à la nostalgie.
Oui, vraiment étrange alors que le notaire avait précisé que l’oncle Paul était quasiment ruiné. Nous n’avions donc aucune espérance comme on dit, de ce côté là. J’en conclus que mes frères et soeurs comme moi, étaient venus parce qu’on nous l’avait intimé et que là aussi, chez nous, c’est une habitude que d’obéir aux ordres sans nous poser de questions.
Nous connaissions fort peu cet oncle par alliance que notre tante Phoebé avait épousé à plus de trente ans et qu’elle avait quitté peu après, dès qu’elle eut constaté par elle-même ce que tout le monde disait : monsieur Paul, sous ses manières courtoises et son vernis d’érudition puisée dans le Quid qu’il apprenait par coeur depuis des années, monsieur Paul était un ivrogne invétéré.
Détestable prédilection pour toutes sortes de boissons alcoolisées acquise à l’adolescence, lorsque monsieur Paul, issu d’une famille pauvre et parfaitement analphabète, avait dû se confronter à ses pairs en fac de droit. De caractère plutôt timoré mais néanmoins fort ambitieux, le jeune homme prit conscience de l’étendue de son ignorance concernant les codes d’une société dans laquelle il souhaitait plus que tout conquérir une place de choix.
Il rentra à l’hôtel des impôts d’une obscure petite ville de province en tant que contrôleur fiscal, activité qui ne l’enthousiasma pas, mais qui lui laissa le loisir de peaufiner l’image du personnage qu’il souhaitait devenir.
Une call-girl de luxe retraitée, devenue propriétaire du seul bordel un peu sélect car fréquenté par les notables du coin, se fit un plaisir de lui enseigner les bonnes manières du monde, lui montra comment distinguer les couverts à poisson de ceux destinés à la tarte aux fraises, lui apprit comment s’habiller en toutes circonstances et l’instruisit de toutes sortes de jeux que la bienséance interdit de détailler, qui lui donnèrent au passage le goût des plaisirs tarifés, petit bonus à son éducation qui paracheva son succès, lorsqu’ enfin il accéda aux salons les plus huppés qu’il convoitait tant.
Quand il fut fin prêt, il posa sa candidature auprès des plus prestigieux cabinets d’audit financiers internationaux et fut rapidement embauché par l’un d’eux. Doué d’un esprit retors, un brin filou et imaginatif, son ascension fut rapide si bien que son nom fut bientôt rajouté à la firme West Cooper and Forthing. Le bonhomme prit de l’assurance, brilla, tant en société que dans son job. De belle carrure, il plaisait aux femmes et les grands noms de la finance se l’arrachaient. Il voyageait beaucoup, fréquentait les meilleurs palaces et les paradis fiscaux n’avaient plus de secrets pour lui.

Cependant c’était bien seul qu’il se retrouvait la plupart du temps dans les suites des grands hôtels, et au fond de lui, il était un peu las de tous les artifices. Johnnie Walker, ami fidèle depuis ses débuts, devint de plus en plus le compagnon idéal, celui qui, d’une lampée effaçait les frustrations et la vacuité de sa vie, le seul, encore mieux qu’une femme, qui savait le persuader qu’il était le meilleur, le seul capable de maintenir le lustre superficiel qu’il affichait à l’extérieur mais qu’ il savait bien ne pas posséder.
Au petit matin, il ne reconnaissait pas l’homme qui se rasait devant le miroir. Visage bouffi, plis amers aux coins de la bouche et regard triste… Toujours serviable, Johnny arrivait à la rescousse, et monsieur Paul, Partner de West Cooper et Forthing repartait, l’oeil brillant, confiant et sûr de lui pour de nouvelles conquêtes.


Lorsqu’il prit sa retraite, monsieur Paul était riche. Très riche. Il avait de quoi s’offrir la plus fastueuse villa de la côte d’azur ou finir sa vie dans un palace, mais il n’en fit rien. Il acheta une belle mais simple maison blanche en bordure de forêt, y convia Johnnie Walker, ses frères et ses cousins et se cala dans un bon gros fauteuil de cuir. Quelques incursions dans les bons quartiers lui permettaient de ramener chez lui des filles qu’il remerciait le lendemain en glissant très élégamment d’épaisses enveloppes dans leur sac à main avant de les mettre dans un taxi.
Le courant de ses besoins lui était apporté à domicile par des livreurs grassement rémunérés, de même que ses repas, confectionnés par les restaurateurs gastronomiques de la région. Monsieur Paul partait, une fois l’an, en vacances en taxi à Roscoff, ville qu’il affectionnait et dont le climat, avec les bains de mer, apportait quelques soulagements à son psoriasis récurrent.

En quelques années, et à ce rythme, monsieur Paul avait très sérieusement racorni sa fortune, mais il calcula qu’en espaçant les visites des aimables jeunes femmes des quartiers chauds et en se nourrissant plus simplement, il avait encore de quoi s’assurer la compagnie du bon Johnnie jusqu’à la fin de sa vie.

Le matin de ses 68 ans, monsieur Paul sortit à pied. A la droguerie du village, il acheta une toile, une boîte de gouaches et deux pinceaux. A tout hasard il en prit un large et un très fin car depuis la petite école, il n’avait guère eu le loisir ni ressenti le besoin de se pencher sur ce genre de travaux.


En rentrant il se déshabilla et enfila un jogging délavé devenu trop grand pour lui. Les interventions accrues de Johnnie depuis le début de sa retraite avaient fait fondre ses épaules et son torse tandis que son ventre prenait du volume. Son corps ainsi affublé semblait tristement s’avachir dans le coton molletonné, mais il jugea, satisfait, qu’il avait bien là la touche d’un artiste. Il décida dans la foulée de laisser pousser ses cheveux clairsemés pour les nouer en catogan et de ne plus se raser. Car monsieur Paul pensait que la tenue vestimentaire était un élément important sinon indispensable dans la réussite d’une quelconque entreprise. Ainsi comme autrefois le costume cravate avaient en somme participé au succès de l’homme de la haute finance, le « survet » ferait tout aussi bien l’artiste.
Il s’attabla devant un large plat de son service en porcelaine anglaise, cadeau officiel en plus d’un gros paquet de dollars passés sous le manteau offert par un célèbre magnat du textile reconnaissant et admiratif de son talent de prestidigitateur pour l’avoir fait échapper à l’impôt grâce à de discrets voyage à Jersey, et étala plusieurs couleurs sur le bord. La simple vue de ces petits pâtés éclatants de gaîté le ravît. Il en mélangea plusieurs, pour voir, essaya les pinceaux, tour à tour, les essuya délicatement sur la manche de son vêtement, puis sortît en direction de la forêt pour y chercher l’inspiration.
Elle ne vînt pas.
Les arabesques de sombres feuillages juchées comme des perruques sur des troncs lamentablement raides et droits n’évoquaient rien d’autre que de pitoyables barbouillages et ce nid au milieu, tenté dans un excès de confiance ressemblait à un gros pâté, une grossière erreur. Un enfant ferait mieux songea t-il…
-Johnnie, my friend, HELP! fit-il.
Johnny fit de son mieux.

Le cadavre (de la bouteille) gisait près du canapé où monsieur Paul s’était endormi.
Une voix le réveilla:

« Hello! Mister Paul! Fameuse biture, isn’t? »


Monsieur Paul se redressa et secoua douloureusement la tête pour chasser la voix qui continuait à pérorer: « Fichtre, Monseigneur, vous n’êtes certes pas un artiste mais je peux vous assurer que vous êtes le roi des pochetrons! De toute ma carrière, je n’ai jamais vu ça! » Pour appuyer ses paroles et parce qu’il voyait que monsieur Paul avait du mal à récupérer ses idées noyées dans les brumes épaisses de l’alcool, il fit un saut du chevalet jusqu’au bras du fauteuil.

« hello! » fit-il en retirant son haut de forme pour le saluer. « Je suis là! »
Le petit homme à la redingote rouge se tenait là, gesticulant avec sa canne à pommeau d’or, un brin ironique.

C’est à ce moment-là que monsieur Paul mourut dans un hoquet, se croyant la proie du délirium tremens qu’il avait redouté tout le long de sa vie de pochard.

A notre grande surprise, le notaire nous avait donc convoqués devant la maison de monsieur Paul. Nous attendions depuis plus de vingt minutes sans rien trouver à nous dire sous le porche, lorsque celui-ci arriva enfin en compagnie de deux pandores. Vlà aut’ chose marmonna ma belle-soeur Lucette, qu’est-ce qu’il a donc fait qu’on nous ramène la maréchaussée?!

Le notaire nous fît entrer dans la salle principale et nous nous disposâmes en arc de cercle autour du tableau qui était la raison de notre présence d’après lui. La croûte n’avait rien de spécial, elle semblait représenter assez fidèlement ce dont je me souvenait être la chambre de notre oncle, avec dans un coin, un personnage en redingote rouge s’appuyant nonchalamment contre le mur.
« Hello, ladies and gentlemen » fit-il en sautant souplement sur la table.
Ma soeur Daphné s’affala comme une crêpe sur le sofa, une main sur son coeur.
« Les sels, les sels, qu’on lui apporte les sels! » s’exclama notre aînée qui venait de terminer le dernier Delly paru en kiosque.

« Have a drink? » proposa Johnnie plein de sollicitude…puis il s’adonna à toutes sortes d’acrobaties à travers la pièce, assorties de pitreries et de remarques qui ne firent rire personne.

Voilà, mesdames, messieurs, je crois que vous aurez compris le pourquoi de cette réunion, dît le notaire une fois que nous eûmes quitté la pièce en prenant bien garde que le petit bonhomme ne nous suivit pas. Je dois vous informer que j’ai en main les dernières volontés du défunt monsieur Paul, demeurant …etc etc.. s’en suivirent toutes sortes de renseignements juridiques dont nous n’avions que faire puis enfin: la famille hérite la maison et la totalité de son mobilier à la condition expresse et irrévocable que l’un de ses membres adopte le dénommé Johnnie Walker …. ci-présent dans la pièce à côté, ajouta l’homme de loi qui commençait à perdre les pédales, qu’il l’aime et veille à son confort à vie, les conditions restant immuables pour les générations suivantes.
Nous étions abasourdis. Aucun d’entre nous ne se dévoua pour honorer la volonté de l’oncle, et nous regagnâmes nos pénates respectives, rageant contre les autres et furieux d’avoir raté l’occasion de récupérer quelques sous, car nous sommes ainsi chez nous: persuadés que l’argent fait le bonheur mais plus encore soucieux du qu’en-dira-t-on.
La maison fut laissée à l’abandon. Elle s’écroula doucement au fil du temps sur ses fondations mais on dit que parfois, le soir, on entend encore les fous rires et les chuchotements de Johnnie et de monsieur Paul.

PUB !

J’attendais avec impatience de l’avoir en main pour vous en parler, il s’agit du livre (du premier, j’espère qu’il y en aura d’autres : il l’a promis) de mon ami Simon Dominati.

Vous dire l’émotion lorsque j’ai lu les premières lignes, parce que un livre, c’est quelque chose et quand on sait le coeur et la passion, l’énergie et l’enthousiasme qu’il a mis dans cet ouvrage, on ne peut qu’être heureux d’en découvrir le fruit.

« Au coeur de mon village, mon village au coeur », c’est tout un patrimoine relaté dans une belle écriture, la vie d’autrefois dans un petit village du sud de la Corse, qui touchera les nostalgiques d’un temps où l’on savait être heureux avec peu.
Car c’est un peu de sa « philosovie » que Simon nous dévoile à travers les anecdotes qui ne manquent ni de piquant ni de sel, avec tant de passion, de fantaisie, d’humour, d’émotion aussi.

Voilà, Simonu, heureuse de voir ce beau projet concrétisé enfin, heureuse de parler ici de ce beau livre – jardin cultivé à l’ancienne avec ses fruits mûris sous un ciel pas toujours bleu, ce qui en donne toute la saveur et toutes ces fleurs aux parfums du maquis.

Comme indiqué dans le titre, le petit coup de pub indispensable :
MON VILLAGE AU COEUR? AU COEUR DE MON VILLAGE
par SIMON DOMINATI

EDITIONS MAÏA

à commander dans toutes les bonnes librairies 🙂

Les affamés

Alors moi j’ai pas faim mais j’ai froid au pieds

Moi j’ai faaaiiiiim !!!

Ouais nous aussi on a faim … Pitié ma tite dame…

Moi aussi, c’t’affreux… Tu me donnes quelque chose ?

Ben saute ! Saute, j’te dis !

Y a pourtant tout c’qu’il faut, bande de flemmards !

Le bassin habité

Nous avons donc ce monument banal à pleurer et à peine prétentieux avec Napoléon Bonaparte en habits de 1er Consul entouré de 4 lions crachant de l’eau en- veux-tu-en-voilà et entouré d’un parterre fleuri propre à inciter la foule admirative à se prendre en photo devant la merveille.

Le genre de chose que l’on voit dans toutes les villes ou presque, qui personnellement me donne envie de bailler.
Le seul intérêt est de regarder là où l’on ne regarde jamais : dans le bassin.
Non, y a pas de poissons ni de grenouilles et encore moins de dragons. Hélas.

Bah oui encore des reflets

Une année à l’aube, j’y ai vu un sans logis s’y baigner avec allégresse

Une autre année, des vacanciers pompettes ont osé grimper sur le 1er Consul dont un bout s’est fracassé dans le bassin. Misère ! Y a plus d’respect !

A l’occasion d’un Noël, not’ maire à tous a eu l’idée surprenante d’englober la statue dans un globe géant rose…

Bref. C’est fini.

Pour ceux qui voudraient approfondir le sujet, une histoire pleine d’humour signée Emma

http://eperluette.over-blog.com/2015/04/le-grand-pardon.html