Midi sur la grand place.
Depuis qu’elle est bétonnée, qu’on a sacrifié les vieux platanes à l’ombre desquels on jouait aux boules, qu’on a remplacé le kiosque à musique par une buvette, on se contente de passer sur la grand place.
On passe, d’un pas pressé, l’hiver, le dos courbé sous le vent glacé qui s’engouffre et mène sa furie sur la surface nue et lisse, ou l’été sous un soleil implacable qui la chauffe à blanc, on se dépêche de fuir pour ne pas s’enfoncer dans le vide.
Il reste, pour tout souvenir du temps passé, trois massifs de fleurettes et d’herbe entourés de grillage et une treille de bougainvilliers qui part courageusement à la conquête de colonnes néo quelque chose.
Midi.
Les gens marchaient, rentraient chez eux pour le repas, ceux des bureaux descendaient prendre un déjeuner au bar du coin, trois gamins tapaient dans un ballon, un petit chien blanc se rafraîchissait dans un bassin d’agrément moderne et laid.
Un couple avançait régulièrement. Il semblait glisser harmonieusement sur une eau calme, un homme, une femme, côte à côte.
L’homme, très âgé, coiffé d’un panama coquet, portait une chemise impeccable bleu lavande et un pantalon de lin clair. La femme, plus jeune, avait un ensemble fleuri de vert tendre. Ils se parlaient tout en avançant, les yeux dans les yeux.
Le soleil semblait s’attarder sur eux, on ne voyait plus qu’eux, uniques et limpides se détachant sur ce fond de place terne et grise. L’homme respirait l’air de la mer toute proche, s’imbibait de lumière et de parfums dans une allégresse palpable qui fit sourire la femme.
Ils adaptaient chacun leur allure à celle de l’autre, sans y penser, tout à leur conversation.
Ils passèrent silencieux sur la contrallée comme deux barques jumelles rentrant au port.
Leurs roues de fauteuils brillèrent un instant sous l’éclat du soleil, avant de disparaître dans la foule.
je ne sais pas pourquoi mais la phrase qui me vient est : « c’est doux et frais comme un printemps » ……. peut-être parce que ces deux-là dégagent beaucoup de tendresse !
Exactement 🙂
C’est magnifique Almanito, on aurait presque entendu les douze coups de midi sonner dans un clocher tout proche. Superbe.
Bonne journée. Bises.
Merci Christian, bonne journée à toi aussi.
Les paysages changent au gré des caprices de quelques élus convaincus du bien fondé de leurs idées, qui souvent ne dépassent pas le bout de leur nez. La vieillesse est l’avenir inéluctable de la jeunesse. En ont-ils seulement conscience les décideurs de la dernière heure ? Une plancha comme lieu de balade en été, une plaine sibérique l’hiver, sans doute pour y accueillir d’hypothétiques ours polaires ? mais quid pour les promeneurs du présent ?
Il y a une place identique à Hyères, elle s’appelait « Place de marbre », ça veut tout dire ! Je crois qu’elle a changé de nom. Mais que de nom. Elle est toujours aussi morne plaine, même si un jardinet jonché de détritus la limite au fond, et pareil : une buvette à l’autre extrémité. Il n’y a que les jours de marché qu’elle est animée et cachée par les stands !
Tu parles d’ours polaires… Justement on en a un en guise de déco pour Noël, un truc en métal qui s’allume la nuit 😉
Il s’allume la nuit ???? Wahow, c’est la magie de Noël ça !
Ben tu vois…
Voui! On a aussi une étoile et un grand sapin, tout en métal, de jour c’est une désolation et la nuit… Couvre-feu 😉
J’ai bien aimé la chute de ton histoire. Elle rattrape la vilainie du béton. (tiens, le terme me vient tout seul, pas sûre qu’ils soit juste ds la déf. que je lui donne)
On va dire la laideur alors 😉
Un texte tout en contraste avec une chute particulièrement jolie.
J’aime beaucoup la tendresse qui s’en dégage et qui me fait un bien fou !
Merci Alma
J’en suis ravie Laurence, merci 🙂
Deux barques jumelles…j’aime beaucoup cette métaphore. Cette image me rend mon sourire 🙂
Je ne peux pas croire que tu l’aies perdu un seul jour 😉
Merci Louv’
Commentaire d’Emma qui n’a pas de chance, ses com’ passent une fois sur deux..
« quelle belle scène, et tu es maitre dans l’art de la chute – bien sur, en relisant on voit les indices, mais pas en première lecture, bravo ! »
Merci Emma! 🙂
Très joliment amené. Et à te lire me reviennent les paroles d’une chanson de Mannick, que j’ai beaucoup écoutée il y a – très – longtemps.
« Je connais des bateaux »…
« Je connais des bateaux qui reviennent au port
Labourés de partout mais plus graves et plus forts
Je connais des bateaux étrangement pareils
Quand ils ont partagé des années de soleil »
Les paroles sont très belles, tout à fait dans le thème c’est vrai. Je ne connaissais pas cette chanteuse ni la chanson, merci Pastelle.
conjugué à l’imparfait de la nostalgie
sur un doux rythme hors du temps
C’est beau une narration quand c’est bien écrit !
Merci Serge, c’est gentil 🙂
Superbe de tendresse, merci pour cette page qui enchante mon matin ;o)
Merci à toi, Annick, bonne journée 🙂
C’est vrai que c’est tendre tout ceci en dehors du déblaiement de la place qui malgré tout peut permettre des déplacements en covoiturage. C’est fou comme tu as bien détaillé leur « ropa » !! Merci Alma pour cette jolie évasion.
Caro, le couple était en fauteuils roulants 😉
Oui, j’ai bien compris, c’est ça le covoiturage en fauteuils roulants, ils se donnent la main et roulent ensemble…..
Ha d’accord 🙂
J’aime beaucoup ces textes où tu racontes ton univers, la ville, la plage, les collines… Ils m’enchantent et me consolent. Il y a dans ton écriture un équilibre à mes yeux parfait, qui fait advenir la scène et en souligne quelques éléments sans jamais tomber du côté où le verbe finit par faire masque.
Merci Frog, j’aime ce qui m’entoure, les gens qui sont tous très particuliers tout comme le décor… Les petites choses sont importantes à mes yeux.
Malgré la banalité qui semble s’être installée sur cette place, ces deux amoureux sont tout à leur bonheur et qu’importe en ces instants les contraintes de leur vie. Grande sensibilité et humanité… tout ce que que j’apprécie dans tes écrits.
Merci Mony 🙂