C’était dimanche.
Un dimanche blanc avec la pluie qui menaçait sans jamais tomber, des rues mornes, vides.
J’étais partie d’un bon pas, dument masquée et décidée à profiter de mon heure d’évasion sur un kilomètre que je projetais de rallonger en empruntant toutes les ruelles possible, ayant en tête tout un labyrinthe compliqué afin de ne pas revenir trop tôt sur mes pas.
Mais en passant près du jardin d’enfants, une voix à la fois exaspérée et désespérée me sortit de mes préoccupations pédestres.
-« Y a Quelqu’un? Ho! Quelqu’un! Je suis tout seul! Ho! »
La voix venait du haut du toboggan, un petit garçon aux yeux noirs interpelait les fenêtres fermées de la maison située en face.
Je lui demandai s’il était tout seul ce qui le fit descendre à toute vitesse, trop heureux de voir enfin « un quelqu’un » qui s’intéresse à son triste sort.
-« Oui je suis tout seul » me dit-il d’ une voix à fendre l’âme.
-« Mais tu n’es pas venu tout seul jusque là, où sont tes parents? »
Il me désigna une maisonnette derrière lui d’un index tout crasseux: » sont là chez des gens, ils regardent la télé ». Je lui conseillai de les rejoindre mais il insista: « Non, je veux mes copains, sont où mes copains? »
Ben tu sais, lui dis-je, c’est dimanche et en plus il ne fait pas très beau, alors je crois qu’ils ne vont pas sortir… Ce que je regrettai aussitôt en voyant son regard triste. Il serrait dans sa main droite un petit camion de chantier jaune, je lui conseillai lâchement de le faire rouler sur la rambarde qui entourait le jardin et m’échappai à grand pas…
Il me rattrapa en courant.
-« Tu sais faire les lacets? »
Oui je savais faire les lacets et je lui « fis » les siens, défaits, puis je lui demandai son nom.
-« Napoléon!… C’est un empereur, tu sais? »
Je retins un sourire en songeant que certains parents n’aiment pas leurs enfants.
-Eh bien voilà un empereur bien dans ses baskets lui dis-je, mais peut-être que l’empereur accepterait que je lui apprenne à nouer ses lacets tout seul?
Il accepta. Ses petits doigts d’abord tremblants et contractés finirent par acquérir la souplesse nécessaire pour dompter les lacets et au bout de plusieurs essais il parvint dans un éclat de rire à les nouer tout seul. L’empereur était fier de lui et j’en profitai pour filer, en le laissant émerveillé devant ses pieds.
J’errai sur le vieux port le peu temps qu’il me restait puis repris le chemin du retour, quand j’entendis une voix de femme au niveau du jardin:
« César! On rentre maintenant, dépêche-toi! «
J’adore ces petites narrations nostalgiques et croustillantes à la fois !
«tu te magnes Charles !
– j’arrive ! »
bon faut que j’y aille
bisou Alma
Ce petit chameau que je trouvais si craquant et si désespéré se foutait de moi 😉
Bien ta blague, continue m’sieur Hobo 🙂
Un billet que j’apprécie, qui plonge le lecteur et l’incite à suivre le déroulement de cet épisode simple, mais si bien mis en scène. J’ai vraiment été séduit.
Je te souhaite une bonne fin de soirée Almanito. Bises
Merci Christian, bonne soirée!
César est un coquin doublé d’un marrant. C’est vrai aussi que Napoléon c’est plus moderne comme prénom ! Avé Cléopâtre !
Ha ha ha! 😉
Très mignonne cette rencontre d’un empereur 🙂 Toujours craquants les mômes….Bises Alma !
Ha lui il saura mener son monde 🙂
Et si tu avais su qu’il s’appelait César, lui aurais tu proposé de lui apprendre à faire ses lacets ?
Evidemment, pauvre loulou. César est un nom assez répandu ici, Napo non.
A la lecture du titre, j’ai pensé que tu parlerais des pingouins empereurs, qui se prélassent sur les plages (antarctiques) de ta belle île. Mais point. Juste un petit gosse rusé et un peu taquin, qui t’a pigeonnée avec deux lacets de chaussures défaits, perché comme un perroquet répétant « Ho! Y a quelqu’un? ». A ta prochaine balade, munis-toi de quelques bonbons (au poivre)…
Jolie petite histoire qui se lit avec plaisir, comme d’hab !
Des bonbons au poivre? Quel sadique a inventé ça? Y en a pas ici parce qu’on aime les enfants, nous! 😉
on a de la chance il ne s’appelait pas Néron, ça aurait senti le brûlé ton histoire 😀
Il ne doit pas encore connaître Néron, alors que Napoléon ici est omniprésent, nous sommes dans la ville impériale ma chère 😉
Il n’y a que des gamins qui portent des noms d’empereur dans ton coin, intéressant ;o)
Meuh non on a aussi des Dumè, des Sauveur, Toussaint, Nonce, Ange etc, bref, que des noms normaux 😉
🤣♥️
Qui ne connait pas Napoléon dans ta ville ? Je souris, j’aurais aimé te voir lorsqu’il t’a appris son prénom.
Finalement, les parents ont préféré César (Césariot) ne seraient-ils pas marseillais ?
Cette petite heure de sortie t’aura permis de nous écrire cet agréable texte 😉
C’est un nom fréquent dans le midi, j’avais même un oncle qui s’appelait César, un gendarme qui ne montait jamais en grade pour cause de pénurie de neurones 😉 Bon l’essentiel est que l’empereur lace tout seul ses chaussures, maintenant 😉
Apprendre à un empereur à lacer ses chaussures, ce n’est pas donné à tout le monde. Il se souviendra longtemps de toi. Très jolie petite histoire qui donne le sourire et c’est bon.
Il respirait l’intelligence ce petit bonhomme, j’aurais bien passé tout l’après-midi en sa compagnie 🙂
Un futur blogueur, blagueur, bluffeur,… tout en initiales B, quoi !
Les balades sous les nuages menaçants favorisent les jolies rencontres…
En gros il m’a prise pour une bille et il a dû bien rigoler intérieurement 😉
Tu lui a offert, un cadeau impérial à ce petit Napoléon. Savoir faire ses lacets est un pas de plus dans la conquête du monde.
Tu lui as offert, un cadeau impérial à ce petit Napoléon. Savoir faire ses lacets est un pas de plus dans la conquête du monde.
Surtout que pour un empereur, se prendre les pieds dans ses lacets serait tout à fait déshonorant 😉