Il y avait ce haut mur qu’on ne voyait plus tant il était gris, décrépi, décharné tant il avait subi les dégâts du vent, de la pluie.
Il faisait le coin de la ruelle qui descend plus bas dans celle, toute illuminée, des commerces et des terrasses.
Et puis il y avait ces deux bandes de couleur à sa base qui attirait l’oeil, on se souvenait que là, il y avait eu une pizzeria avec des voûtes en pierre, un four à bois qui sentait bon la pâte à pain et l’origan, et encore avant il y avait eu autre chose, on ne sait plus quoi, qui n’avait pas marché non plus parce qu’il y a des rues comme ça où rien ne veut vivre.
Malgré le rose, malgré le vert et toute la chaleur qu’on voudrait y mettre.
Je m’étais approchée des deux bandes colorées où l’on avait garé un vieux scoot, comme pour ne pas le laisser s’évanouir dans l’oubli du vieux mur.
Deux étages au-dessus, une voix rauque, puissante et injurieuse s’était élevée: « Va chier! Il est pas à toi, le mur! Puta! Faut pas photo ici, fous le camp! »
Il y avait dans ce mur une ouverture qu’on ne voyait pas tant elle était sombre, privée de fenêtre, de volets et de vie. Une béance qui faisait baisser les yeux.
Pourtant une vieille s’y penchait jusqu’à la taille, crachant sa haine, gargouille maléfique et parcheminée avec des fils d’argent coulant de son menton, ouvrant une bouche comme un four, gencives et langue d’un rose obscène en avant, qui masquaient presque le reste de la trogne, et une dent unique déchaussée, une dent inouïe comme un roc brutal planté dans le désert.
Je me suis éloignée avec quelque chose qui ressemble à de la gêne, peut-être un peu de honte aussi, va savoir pourquoi.
Il y a parfois, comme ça, dans les villes, des rues fantômes avec des murs défraîchis, pâlots, que plus personne ne regarde tant ils se fondent dans le temps.
La vieille dame fait tout ce qu’il faut pour qu’on ne l’oublie pas ce vieux mur gris ! La preuve !
Je n’envisageais pas les choses sous cet angle mais pourquoi pas, c’est peut-être pour qu’on ne l’oublie pas, elle. Bien vu 🙂
N’ai-je pas déjà lu ce texte ? Parce qu’il me semble m’en souvenir, parce qu’il m’avait plu. Sinon, je vais aller voir un spécialiste de la clairvoyance malgré un fort presbycisme…
Au passage, tu peux demander à ton spécialiste à quelle date (jour mois année) on sera débarrassés de ce foutu virus? Merci! 😉
Tu sais bien qu’Il ne s’intéresse plus au vieux monde, maintenant son obsession c’est « d’ubiquiter » la nouvelle génération. Je verrai où il en est lors d’un prochain séjour, mais en attendant, je vais me faire discrète un bon moment…
« Je m’étais approchée des deux bandes colorées où l’on avait garé un vieux scoot, comme pour ne pas le laisser s’évanouir dans l’oubli du vieux mur. »
Bon autant j’apprécie ce texte, autant dans ma mémoire les pizzerias ont les 3 couleurs de l’Italie (vert, BLANC, rouge). Mais je me suis très amusé du fait où Almanito se serait plantée avec une belle coquille : « un vieux scout » à la place d' »un vieux scoot »..
Merci pour cette agréable lecture vespérale!
J’en suis tout à fait capable, la coquille est ma spécialité, dont celle, explosive et qui me fait encore rougir, de plastic et plastique 😉
Et non les rubans de couleur sont bel et bien rose et vert mais peut-être sont-ils antérieurs à la pizzeria…
C’est fou comme les vieilles dames peuvent être agressives parfois 😀
Elles l’ont peut-être été toute leur vie 😉
les vieilles pierres, les vieux murs, sont celles et ceux qui transpirent le plus et ont à raconter
Parce qu’ils ont vécu.. comme les vielles dames 🙂
Hummm,,, comme sa bouche était béante comme un vieux four, les fils d’argent que tu as pu voir ne sont que du gruyère râpé dégoulinant et de plus je vois qu’il n’y a pas de marchand de godasses dans le coin pour sa dent.
En fait un récit qui t’a fait fuir à toutes jambes.
Bonne soirée Almanito.
Non les fils d’argents étaient des poils au menton 😉
Bonne soirée Christian
Ha bon ya pas de gruyère la bas … tiens donc.
Le vieux mur et la vieille édentée, euh: pas tout à fait, il reste des vestiges, telle la dent comme ce « roc brutal dans un désert »… image tout aussi brutale que cette harpie baveuse. Tu as eu peur? haha! Super description d’un passé qui nous rend la rue un peu nauséeuse et un peu triste.
Peur non, je la vois depuis des années 😉 et curieusement j’ai l’impression qu’elle ne change ni ne vieillit! Elle a peut-être toujours été là, comme une gargouille après tout 🙂
Bonjour A. On dirait que l’on fréquente les mêmes endroits de vie et que nos ressentis sont similaires. J’ai bien aimé ce texte, je me suis presque reconnu, l’écrivant 🙂 .
Peut-être parce que la scène se passe à Aiacciu…? 😉
Merci d’être passé par là, Simonu
Je vais vous faire une confidence, je suis un être étrange, j’écris et ne lis jamais, j’ai réussi à lire un demi-livre dans ma vie « Igloos dans la nuit », la solitude qui semblait y régner m’attirait (sic) 😉
Ceci dit, j’évite Ajaccio et la ville, je vis dans un endroit retiré tout près du maquis qui m’enchante…
Ca m’étonne, les gens qui ont votre qualité d’écriture lisent souvent beaucoup. Vous avez bien de la chance, j’aime les villes et Ajaccio est fascinante malgré les apparences, mais j’adorerais vivre au calme et près de la nature.
Vous n’avez jamais pensé à faire éditer vos récits? Ce sont de petits bijoux du patrimoine Corse.
Et encore une question, après j’arrête l’interrogatoire en règle, les photos superbes de Bavella en feu parues sur CNI sont-elles de vous?
Bonjour A.
Je ne vois votre commentaire qu’aujourd’hui en cherchant comment vous répondre à votre mot sous « Isardrôme » du jour.
Pour la lecture je confirme, je n’ai lu qu’un demi-livre de toute ma vie et ce fut « Igloo dans la nuit ». J’ai expliqué pourquoi dans plusieurs de mes textes au hasard de mes idées du moment. J’ai pourtant réussi mes examens sans culture liée à la bibliographie… bref.
Je suis fâché avec les éditeurs après un contrat de 20 années chez Nathan (création de jeux pédagogiques) pour mise au frigo d’idées restées confinées que je ne pouvais soumettre à d’autres (clause contractuelle) donc, je ne cours plus après les éditeurs.
Les images sur CNI sont bien les miennes. J’ai collaboré avec CNI durant deux ans environ puis la rédaction a pris un angle différent, j’avais du mal à trouver une place, j’ai cessé. Dans Paris Turf également, j’ai fait le billet de la Une sur quelques années… Repéré par la rédaction qui suivait mes anecdotes sur les courses (hippodromes et PMU) qui plaisaient beaucoup par le côté original amusant. J’ai même été contacté par un entraineur suisse qui souhaitait me rencontrer sur l’hippodrome de Zonza et d’autres encore…
Vous avez retrouvé les images de Bavella en lisant « Seul dans le brouillard » puis vous avez commenté le texte.
J’en viens à l’idée du jour, sur votre conseil, j’ai supprimé « Isardrôme » pour prendre un peu de réflexion. Comme je le disais plus haut, je n’ai aucune envie de courir les éditeurs. A la limite, je proposerai le prologue à un écrivain avec l’obligation de le garder en démarrage du livre. J’avais même songé au synopsis d’un film. Je vous remercie pour votre suggestion qui m’a aussitôt fait voler dans les plumes du texte du jour. 🙂 Bonne soirée.
Renseignez-vous quand même, il y a un collectif de copains sur Bastia qui a eu une idée originale dans le domaine de l’édition. Je ne sais plus où j’ai lu l’article qui date de 3 ou 4 mois environ, il me semble que c’était sur ViaStella. Je suis persuadée que vous auriez toutes vos chances. Je vais rechercher de mon côté si je retrouve l’article.
Oui vous avez bien fait pour Isardrôme, gardez le sous le coude, l’inspiration viendra 🙂