Ils sont tous partis, la fête est finie.
Hugo s’écroule sur une chaise de la cuisine. Il allume une cigarette et se verse un fond de Pouilly Fuissé dans un verre à moutarde. Besoin d’une pause pour repenser à la journée, ancrer les souvenirs, fixer les visages heureux dans sa mémoire en savourant rétrospectivement les meilleurs moments, écouter les rires en écho dans sa tête. Il entend Louise qui s’active déjà dans la pièce à côté, rassemble les verres éparpillés un peu partout, vide les cendriers. Elle est déjà passée à autre chose. Ils sont si différent, l’un et l’autre. Louise enchaîne les évènements, sans états d’âme, passe d’une activité à l’ autre comme si chaque élément nouveau chassait tous les autres. Une nouvelle journée pour elle est une vie toute neuve, qu’elle prend à bras le corps et qu’elle semble oublier dès le soir tombé.
Hugo, lui, a besoin de relier le patchwork des moments passés, d’en équilibrer chaque morceau et d’en contempler ensuite rêveusement l’harmonie. Alliance étonnante de l’eau et du feu. Mais chacun veille à ne tarir ou à ne brûler l’autre.
« Viens t’asseoir cinq minutes, Lou… »
Louise réajuste une mèche rebelle sur son front, ses cheveux commencent à blanchir. Ca lui va bien, elle est belle, même fatiguée. Il y a bien longtemps qu’ils ne s’asseyent plus face à face, les yeux dans les yeux. Mais la main gauche de Louise traverse la table pour rejoindre la main droite qu’il lui tend, et assis de profil, ils regardent tous deux dans la même direction et c’est bien là l’essentiel, pense t-il.
Elle qui ne fume pas lui pique une bouffé de sa clope, sourit. « C’était bien, je crois que tout le monde était content… » Louise attarde son regard sur le visage de son homme, il a pris du caractère en vieillissant, perdu ce petit air d’éternel adolescent un peu rêveur, ce qui ne lui déplaît pas, bien au contraire. Il ne le sait pas, mais c’est en lui qu’elle puise toute son énergie, il la croit forte, mais c’est au contact de cette main qui serre doucement la sienne qu’elle s’apaise et se ressource.
« Bon anniversaire, Louise ».
La fête qu’ils organisent chaque année au printemps, c’est aussi pour l’anniversaire de Louise. Mais personne ne le sait. Un secret entre eux, en souvenir de tout ce qu’ils ont affronté ensemble, envers et contre tout et tous, quand la vie n’était pas aussi sereine qu’elle l’était devenue… Des pépites noires pétillent dans les yeux clairs de Hugo.
On entend, coulant de la maison voisine la mélodie du film qu’ils ont aimé. » Le vieux fusil ».
Sans un mot, il entraîne Louise pour danser sous la loupiote du perron…

C’est beau ! Tu décris l’intimité de Hugo et Louise de façon terriblement vivante. Je repars sur la pointe des pieds…
Tu as raison, laissons-les danser, chuuut ! 🙂
Petite ouverture sur une intimité qui donne envie…
Qui donne envie, j’aime bien 🙂
C’est beau un couple qui danse ;o)
Ca fait du bien 🙂
pas besoin de dessert, cette tranche de vie est suffisamment nourrissante ! (bon, néanmoins, un petit verre de Pouilly Fuissé, mais dans un joli récipient en cristal, serait un agréable must pour le lecteur!)😉
Ha mais le dessert n’était pas compris dans le service;) tchin pour le Pouilly dans un verre en cristal mais tu sais il n’y avait plus de moutarde dedans.
Si tu viens sur mon site dans la barre de recherche tu inscris « pochettes CD » et tu pourras écouter la musique du film
Un bel amour qui dure. Très beau texte.
C’est assez rare pour en faire une histoire …
Merci Gabrielle
Réconfortant de les voir s’aimer.
Merci Polly, arrête tu vas avoir une almanindigestion 😉